N° 15 : Rentrée politique, Iryna Dovgan, Single Revolution, les nouveaux gourous de l'écologie, Ley Trans en Espagne, etc.
10 janvier 2023 | Partager ce numéroPopol, le podcast politique qui donne la parole aux femmes, se décline désormais à travers une newsletter. Un espace convivial pour parler politique librement, pour accompagner l’engagement politique des femmes, pour valoriser leur parole et leur travail dans l’espace public.
Ensemble, envisageons une démocratie plus féministe et plus inclusive, une société où la politique ne sera plus seulement une question de pouvoir mais aussi de justice, d’égalité, de lien social et d’écologie.


En ce début d’année 2023, la réforme des retraites est sur toutes les lèvres. Et pour cause, le gouvernement a décidé de déposer un texte sur le bureau de l’Assemblée nationale afin, notamment, de reculer l’âge de départ à la retraite pour les françaises et les français. Ce texte sera présenté aujourd'hui aux député·es par la première ministre. Le gouvernement compte sur le soutien des républicains pour faire adopter le texte alors que même au sein de la majorité, cette réforme suscite des doutes.
Si on ajoute à cela l’inflation, la crise de l’hôpital, la réforme de l’assurance-chômage, etc., la crise sociale déjà bien ancrée dans notre pays risque de s’aggraver encore un peu plus. Aussi, les semaines à venir seront difficiles : des manifestations et des grèves sont à prévoir dans différents secteurs.
Difficile de savoir à ce stade si l’exécutif sera bousculé par les mouvements sociaux à venir, sachant notamment qu’Emmanuel Macron ne joue pas, pendant ce deuxième mandat, sa réélection. Aussi, on peut facilement imaginer qu’il ne reculera pas sur la réforme des retraites en faisant certainement valoir qu’il a été élu sur un programme, que les français·es lui ont renouvelé leur confiance, etc. etc…. Par ailleurs, le soutien de la droite peut le conforter dans sa décision mais cette alliance pourrait être, pour les républicains, une pure alliance de circonstances. On sait d’ailleurs que certains poids lourds chez LR, à l’instar d’Aurélien Pradié, n’ont pas l’air tout à fait convaincus par cette réforme… Difficile d’imaginer, dans ce contexte, que les républicains viennent systématiquement conforter la majorité relative d’Emmanuel Macron à l’Assemblée nationale.
Autre événement important de cette rentrée politique : les tensions au sein de La France insoumise. En effet, on assiste peut-être, depuis début décembre, à un tournant décisif chez LFI. Rappellons que s’est tenue à Paris, le 8 décembre dernier, l’assemblée représentative de la France insoumise au cours de laquelle Manuel Bompard a été désigné pour prendre les rênes du parti. Au même moment, une nouvelle instance de coordination a été nommée pour un an. Or, de nombreuses et nombreux cadres - qui pourtant jouent un rôle important depuis plusieurs années au sein du parti - ont été écartées de cette instance dirigeante, parmi lesquel·les : François Ruffin, Clémentine Autain ou encore Eric Coquerel.
Le député et gendre de Jean-Luc Mélenchon, Gabriel Amard, a justifié cette décision en soulignant que : “le parti tenait au renouvellement”. Un argument qui ne semble pas tout à fait satisfaire les cadres du parti écarté·es qui n’ont pas hésité à dénoncer un manque de démocratie en interne. Celles et ceux que l’on appelle désormais les “frondeurs” ont même décidé d’organiser leur propre meeting le 16 février prochain. Ces tensions s’ajoutent à celles qui ont émergé à la suite de l’annonce du retour d’Adrien Quatennens au sein du groupe parlementaire insoumis. De nombreuses militantes et militants sont monté·es au créneau pour s’y opposer à son retour.
Le mouvement politique qui avait pris le lead de la gauche pour les élections législatives est en train de connaître des tensions qui pourraient potentiellement devenir insurmontables. En attendant, les militant·es n’ont pas peur de dénoncer des décisions qui sont en désaccord avec ce que promeut le mouvement et leur courage mérite d’être salué !

Iryna Dovgan est née le 25 janvier 1962 à Donetsk. Elle est esthéticienne et coordonne désormais le réseau SEMA Ukraine, une organisation internationale d’entraide des survivantes de crimes sexuels en période de conflit armé dont la mission est notamment de porter assistance aux survivant·es des violences sexuelles liées au conflit en Ukraine.
Capturée et torturée par les forces séparatistes pro-russes en 2014 pour avoir dénoncé le conflit dans le Donbass, elle est ensuite exhibée à la vindicte populaire et lynchée publiquement. Suite à l'invasion de l'Ukraine par la Russie, elle décide de rester à Kiev et utilise sa notoriété afin de recueillir, village après village, la parole des femmes victimes des exactions de l'armée russe qui connaissent son histoire et lui font confiance. Depuis Kiev elle a également entamé une carrière politique et s’est présentée aux dernières élections législatives.
Aujourd’hui, aux côtés d’autres militantes comme Alisa Kovalenko, elle aide les femmes à sortir du silence et documente les crimes afin qu’ils ne demeurent pas impunis.


La femme de personne – La single révolution
"Qui a envie de les connaître si aucun compagnon ne dépend d’elles ? Si elles ne sont la mère de personne ? La femme de personne ? L’amante de personne ? Si elles ne sont ni célèbres, ni influentes ?" - Nuala O’Faolain, On s’est déjà vu quelque part ?
Ces dernières années, la réflexion féministe a investi le champ des rapports amoureux. Les livres sur la question sont nombreux, Réinventer l’amour de Mona Chollet, Sortir de l’hétérosexualité de Juliet Drouar. On pense aussi au podcast de Victoire Tuaillon, Le cœur sur la table. C’est tout un système qui se déconstruit, les représentations sont en train de changer. Il devient important d’infléchir les effets délétères d’une société capitalisto-patriarcale et de remplacer les stéréotypes qui régissent nos vies intimes et affectives, rarement flatteurs, par un imaginaire plus libre et bien plus en phase avec une société où les liens ne seraient plus ceux de la violence et de la domination.
Et l’on dit oui, oui, faisons la révolution ! Mais dans cette grande réinvention, une figure encore nous résiste, notre petit angle mort : la femme seule.
On envisage de devenir lesbienne, on réinvente l’amour, on sort de l’hétérosexualité, on se lance dans la grande aventure du polyamour. Quelque fois on sacrifie un podcast ou deux à la “vie solo” mais alors, toujours, il faut offrir, en échange du consternant spectacle de notre solitude, la promesse d’une vie toute en fiesta, grande tablée entre ami.e.s, trek ressourçant en Colombie, projet d’écriture. Il faut être une “queen”, une “badass”. Mais affirmer “je suis seule”, “je vis seule” juste ça, sans rien pour le justifier, cela reste encore difficile et sur ce sujet, étrangement et malgré quelques concessions de façade au célibat heureux (forcément !), le milieu féminisme ne semble guère plus dégourdi qu’une dame cathé.
Il serait pourtant injuste de ne pas reconnaître que le féminisme a beaucoup œuvré pour valoriser la solitude féminine, pour en révéler le caractère créatif et épanouissant. La figure de la vieille fille, terne et sèche, forcément méchante, n’est plus d’actualité. L’année 2022, en particulier, a été marquée par une série de livres et de podcasts qui prennent la question du célibat à bras le corps. Nous vous avons parlé dans Popol Post du livre de Marie Kock, Vieille fille, du podcast de France Culture Sologamie, tous les deux passionnants. Les langues seraient-elles en train de se délier ? En tout cas, le sujet est sur le devant de la scène, au point que certain·es parlent même de “single révolution”…
Mais pourquoi est-ce aussi difficile d’aborder cette dimension de la vie des femmes ? Pourquoi le célibat féminin doit-il toujours être pensé sur la même vieille dichotomie inutile du couple/célibat, mère/non mère, joie/malheur ? Et surtout pourquoi parle-t-on de révolution, de réinvention ? Pourquoi ne voit-on pas ce qui était là, sous nos yeux, depuis toujours ?
La solitude des femmes est une réalité sociale, politique, historique, intime, culturelle. Heureuse ou malheureuse, choisie ou subie : toute femme à un moment donné de sa vie traversera une période de solitude, plus ou moins longue. On ne sait pas grand-chose de ces destins, de cette histoire, de ce que cela implique vraiment, les joies, les ténèbres, le rôle social et politique. Et c’est dans doute là que réside une partie du problème.
Par exemple, saviez-vous qu’à la fin du XIXème siècle, au plus fort de la société industrielle et de l’urbanisation, ce sont les femmes seules des classes moyennes et aisées qui ont fait, les premières, l’intermédiaire entre les bourgeois et les classes populaires ? Quand il est devenu évident que les œuvres de charité ne suffiraient plus pour affronter les effets du capitalisme sur la vie des plus pauvres et que les métiers dits “sociaux” se sont développés, les “vieilles filles” ont trouvé là le moyen d’une émancipation tout en participant au débat politique à une époque où elles en étaient totalement exclues.
Des filles de magasins, en passant par les receveuses des postes, les institutrices, les assistantes sociales, le célibat féminin a toujours eu une utilité sociale, politique, économique et culturelle importante.
C’est aussi cette histoire-là qui nécessite d’être dite, à côté des dates Tinder foireux, des voyages entre copines, de la fameuse pression sociale, de la congélation des ovocytes.
Il était sans doute urgent de valoriser l’indépendance des femmes (enfin !), de combler un déficit de représentation, mais il est temps maintenant de donner à cette indépendance la possibilité de s’exprimer pleinement. Et cela ne concerne pas seulement les célibataires, les femmes sans enfants, mais toutes (et tous même !). Car une chose est de dénoncer les rapports de domination, une autre est de s’autoriser à s’en libérer vraiment, et ce ne sera possible qu’en cultivant notre capacité d’autonomie personnelle et collective. La femme seule, là depuis toujours, n’est ni plus malheureuse, ni plus heureuse qu’un·e autre, mais pour sûr, dans notre quête d’affranchissement intime et politique, elle nous sert de guide.


Pourquoi les nouveaux gourous de l’écologie sont-ils si méchants ?
Aujourd’hui, il y a clairement plusieurs écoles qui s’affrontent autour de la lutte pour l’environnement. Les scientifiques, les militant·es conventionnel·les, les expert·es autoproclamé·es, les influenceureuses instagram ou twitter, les partis politiques, les associations et ONG ou encore les plus radicaux tels que Extinction Rebellion ou Dernière Rénovation. Pour agir contre le dérèglement climatique et la crise écologique, tous les bras et initiatives sont nécessaires, il n’y a pas de doute là-dessus. Cependant, certains groupes commencent à se tirer dans les pattes, en s'invectivant d’“écoterroriste” ou de "traître climatique”. D’autres en profitent pour faire passer l’écologie avant les discriminations, certaines figures médiatiques vont même plus loin en tenant des propos sexistes, grossophobes ou âgistes.
Pour illustrer ces querelles, nous allons décrire des individus fictifs. Toute ressemblance avec des personnages réels n'est ni fortuite, ni involontaire.
Le premier est un ingénieur polytechnicien devenu la figure incontournable dans les discussions sur la transition énergétique. Invité sur tous les plateaux télé, auditionné par les parlementaires ou encore auteur de BD, il est impossible de ne pas entendre parler de lui. Pourquoi ce statut de gourou ? Car il apporte un discours très loin des idées écologistes connues. Par exemple, il est ce qu’on appelle un pro-nucléaire et explique que seul le l’atome nous permettra de conserver une partie, et une partie seulement, de ce que nous avons aujourd’hui, d’amortir une chute civilisationnelle trop brutale. Cela fait penser à la nouvelle doctrine macroniste pro-nuke et au désamour pour le développement des énergies renouvelables à cause de fausses vérités sur le coût de celles-ci. Il minimise aussi le risque nucléaire malgré les multiples accidents comme Fukushima et la preuve que l’enfouissement des déchets est polluant et dangereux. Dernièrement, pour répondre à une jeune femme journaliste qui remettait en cause ses affirmations sur la dangerosité du nucléaire, il n’a trouvé rien de mieux que de lui expliquer sur un ton patriarcal que c’était moins anodins de donner un Kinder Bueno à son gamin et que l’obésité était plus dangereuse que le nucléaire. CQFD.
Le second est un journaliste trentenaire, influenceur, bégueule du PAF. Chroniqueur radio, animateur de télé, créateur de contenu ou encore récemment fondateur de média, il est partout. Ce personnage est l’exemple de l’épiphanie écologique ou, si on est mauvaise langue, c’est un dénicheur de tendance pour se créer une nouvelle virginité médiatique. Car oui, l’influenceur a souvent des casseroles. Comme beaucoup trop de journalistes mâles de sa génération, il a traîné dans la ligue du LOL ou a tenu des propos racistes et sexistes sous le masque de l’humour. L’écologie lui permet donc de se mettre en valeur. Plus dans le militantisme que dans la réalité scientifique et écologique, il se met en scène directement sur instagram ou dans des reportages. Le sujet principal ? Lui. Il est omniprésent sur tous les plans caméra et fait la pub pour son média privé sur les chaînes publiques dans ses médiocres chroniques. Fervent militant pour la condition animale, il l’est moins sur les logements sociaux, les jeunes, les jets, ou la destruction des forêts pour imprimer des agendas à son effigie vendus à la Fnac. Voici donc un influenceur à la sauce connectée et populaire qui rappelle fréquemment que certes, il prend l’avion, mais que par ailleurs il sensibilise ses followers sur le tri des déchets ou la disparition du vin. En revanche, pas trop d’action pour ce révolutionnaire de canapé. Jeter de la soupe sur une vitre ou peindre un ministère ce n’est pas se “défendre”, même si cela fait parler. Par contre, cela renvoie une image immature et caricaturale du mouvement climatique. Les jeunes des marches climat qui se mobilisent toutes les semaines seront content·es de savoir que ce sont elleux les inconscient·es…
Enfin, notre dernier exemple est un chercheur émérite, qui a notamment contribué à l’écriture de rapports du GIEC. Spécialiste du climat depuis de nombreuses années, lui aussi est devenu un personnage incontournable de la lutte écologiste. Il a écrit pour le GIEC on a dit, donc, il a une connaissance absolue et inattaquable. Très engagé en politique, il a soutenu un candidat à la présidentielle qui repassait ses chemises tout seul (cookie n°1) et qui avait aidé des femmes au Bangladesh dans les années 2000 (cookie n°2). Son influence a été tellement forte que son candidat n’a pas dépassé les 5 % de votes. Certainement la faute à toutes ces hystériques radicalisées telles que Sandrine R. et Camille E. qui ont focalisé les débats sur des luttes incompréhensibles comme le féminisme ou le barbecue. Dans une émission publique à heure tardive, il fait une tirade où il fustige une jeune femme en lui mansplannant qu’elle pense qu'être en colère c'est être dans l'action, que le journalisme attise les violences. L’infantilisation du sachant prend le dessus… Pourtant, si les revendications de la jeunesse ne sont pas entendues, en faisant le parallèle avec le mouvement des suffragettes, qui a dû recourir à des incendies dans Londres pour obtenir le droit de votes des femmes, la question de la prochaine étape de radicalisation de ces mouvements, se pose. Les notions de pacifisme et de non-violence sont certes très ancrées dans les mouvements écologistes, mais le pacifisme peut s'accommoder de destructions matérielles.
On peut se poser la question de comment ces personnages sont-ils devenus les nouveaux gourous de l’écologie ? Pourquoi ce ne sont uniquement des hommes ? Pourquoi les femmes sont-elles cantonnées à l’écologie punitive et hystérique ? On dira tout simplement car ils ressemblent au français moyen, au tonton raciste, au prof relou sexiste ou au gendre lisse et idéal. Quand Greta Thunberg, Sandrine Rousseau ou Camille Etienne se font traiter d’illuminées, nos chers gourous sont adulés dans la belle tradition patriarcale, alors même que le climat demande une action radicale et la société une inclusivité indispensable.


Les retraites
NB : c'est la partie chiante de la newsletter mais on s'est dit que c'était pas mal de rappeler quelques bases.
En France, le système de retraite repose sur le principe de répartition et de solidarité entre les générations. Cela signifie que les cotisations prélevées à l’ensemble des salarié·es et des employeureuses servent à payer la retraite complémentaire des ancien·nes salarié·es qui sont actuellement à la retraite.
La retraite de base relève de la Sécurité sociale et deux régimes concernent les salarié·es du secteur privé.
Le “régime général” ou “l’Assurance retraite” concerne les salarié·s de l’industrie, du commerce et des services. Il est géré par la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) et son réseau régional. Le régime des salarié·es agricole est géré par la Mutualité sociale agricole et son réseau régional.
La retraite complémentaire des salarié·es du secteur privé relève de l’Agirc-Arrco. La retraite Agirc-Arrco concerne presque tou·tes es salarié·es de l’industrie, du commerce, des services de l’agriculture.
Il s’agit d’un régime de retraite par répartition et par points. Cela signifie qu’il est à la fois contributif et solidaire. Il est contributif parce que les retraites versées sont proportionnelles aux rémunérations perçues et aux montants des cotisations versées. La solidarité est à la fois intergénérationnelle et interprofessionnelle. En plus de cela, le régime Agirc-Arrco intègre des dispositifs de solidarité qui permettent d’attribuer des droits pendant les périodes de maternité, maladie ou de chômage.
Dans la majeure partie des cas, les salarié·es inscrit·es aux caisses Agirc-Arrco sont affilié·es à l’assurance vieillesse du régime général de la Sécurité sociale ou du régime des salarié·es agricoles. Néanmoins, il existe d’autres régimes de retraite notamment pour les travailleureuses indépendant·es ou les fonctionnaires. Au total, il existe 42 régimes de retraite différents.

Angola : la violence basée sur le genre est la grande préoccupation de la population
Selon une étude rendue publique le 5 janvier, les Angolais·es considèrent que la violence basée sur le genre est le premier problème auquel le gouvernement et la société doivent s'attaquer en ce qui concerne les droits des femmes, avant l’accès à l’éducation ou l’égalité des salaires.
62 % des Angolais·es affirment que la violence à l'égard des femmes et des filles est courante dans leur communauté. Plus des deux tiers des citoyen·nes déclarent qu'il n'est "jamais" justifié pour un homme d'utiliser la force physique pour "discipliner" sa femme. Trois sur dix pensent toutefois l’inverse. Environ la moitié (49 %) considère également qu’il est probable qu'une femme qui signale un acte de violence soit critiquée, harcelée ou humiliée par des membres de la communauté.
Pour environ deux tiers de la population, la violence domestique devrait d’ailleurs être traitée comme une affaire pénale, plutôt que comme une affaire privée à résoudre au sein de la famille. En 2018, environ 1 femme sur 4 entre 15 et 49 ans avait déclaré avoir été victime de violences physiques et/ou sexuelles perpétrées par leur compagnon (actuel ou ex) sur l’année écoulée..
Kenya: #JusticeforEdwinChiloba
Le corps d’Edwin Chiloba, un mannequin et designer kényan de 25 ans, a été retrouvé sans vie dans une malle le 4 janvier au bord de la route à environ 300 km à l’ouest de la capitale Nairobi. Militant des droits des personnes LGBTQIA+, Edwin Chiloba était connu pour utiliser la mode afin de “déconstruire le genre et promouvoir les droits de la communauté marginalisée”. Le 8 janvier, son compagnon a avoué le meurtre.
Cette découverte a suscité une vive émotion au sein de la communauté LGBTQIA+, qui a dénoncé les nombreuses formes de discriminations, de menaces et d’actes homophobes dont iels sont victimes. Elle a rappelé les récents crimes de haine homophobes : Sheila Adhiambo Lumumba (2022), Erica Chandra (2021) et Joash Mosoti (2021).
Le Kenya est une société majoritairement chrétienne et conservatrice. L’homosexualité y est taboue, régie par une loi datant de l’ère coloniale britannique (1897) qui la considère comme “contre-nature” et peut entrainer une peine de 14 ans de prison. Si les arrestations et les procès sont rares, la validité de cette loi, réaffirmée par le cour suprème du pays en 2019, contribue au climat homophobe, exposant les personnes LGBTQIA+ à une très forte discrimination, les faisant craindre pour leur sécurité quotidiennement.
Espagne : la “ley trans” adoptée en première lecture
Le 23 décembre 2022, après des mois de tensions politiques, le Parlement espagnol a finalement adopté la "Ley Trans" (“loi transgenre”) en première lecture. Ce texte permet aux personnes transgenres de changer librement de genre à partir de 16 ans, sans fournir de rapport médical, de preuve de traitement hormonal ou autre.
Portée par Podemos, le parti de gauche radicale, ce texte est historique car il permet également aux personnes âgées de 14 à 16 ans de changer de genre officiellement en étant accompagnées d’un·e tuteurice légal·e. Si ce texte est adopté définitivement par le sénat, l'Espagne deviendra le 2e pays européen à reconnaître l'autodétermination de genre après le Danemark en 2014.
Etats-Unis : un accès élargi mais compliqué à la pilule abortive
Depuis le 3 janvier, l’accès à la pilule abortive Mifépristone a été élargi en accord avec l’Agence de régulation des aliments et des médicaments (FDA). Il est désormais possible d’obtenir cette pilule en pharmacie ou de la recevoir directement chez soi en présentant une ordonnance. Jusqu’à présent, elle ne pouvait être obtenue qu' auprès de cliniques ou médecins agréé.es ou dans certaines pharmacies certifiées. Pour pouvoir les distribuer, les pharmacies doivent encore compléter un parcours de certification. Les plus grandes actrices du marché (CVS et Walgreens) qui détiennent 40% du marché ont accepté de se lancer sur ce parcours.
Cette pilule peut être utilisée jusqu’à 10 semaines de grossesse ; elle est également utilisée pour traiter les fausses couches. Toutefois, dans la douzaine d’États qui ont interdit l’accès à l’avortement dans la plupart des cas depuis le mois de juin dernier, il reste difficile d’imaginer que les pharmacies la distribuent et encore moins qu’elles répondent aux critères de certification. Le département de la Justice a émis un avis juridique selon lequel la poste américaine peut livrer des pilules abortives aux personnes dans les États qui ont interdit ou strictement restreint l’avortement, car selon la loi fédérale, l'expéditeurice ne peut pas savoir avec certitude si le ou la destinataire les utiliserait de manière illégale.
Plus de la moitié des avortements réalisés aux Etats-Unis sont médicamenteux. Seulement 7 % se font après la 13è semaine de grossesse par manque d’accès aux médicaments nécessaires. Cette nouvelle mesure pourrait donc réduire les avortements les plus tardifs et permettre un accès plus facile dans les États où l’avortement est légal.

A voir
“Les vierges sous serment” - Arte TV
Ce magnifique documentaire disponible sur Arte TV revient sur l’histoire de “Burrneshas”, une tradition vieille de six siècles en Albanie. Dans certaines familles, quand aucun enfant garçon ne voit le jour, une des filles doit renoncer au mariage et à la maternité pour prendre la place du chef de famille. Elle mène ainsi une vie d’homme. Ce qui au départ était une situation imposée, est devenu au fil du temps, pour certaines femmes, la possibilité d’échapper à des mariages arrangés et aux pesanteurs d’une société encore très patriarcale. Le documentaire suit l’itinéraire de Bedrie Brahim Gisturani, une de ces “vierges sous serment” qui lutte maintenant contre les rôles assignés aux femmes dans la société albanaise.
Corsage, un film de Marie Kreutzer
Nous avions mentionné ce film avec Vicky Krieps dans notre newsletter de fin d’année. Voici un petit compte rendu plus précis qui vous donnera, on l’espère, envie de voir ce film magnifique. De la vie de l’impératrice Elizabeth d’Autriche, dite Sissi, on ne sait que peu de choses en dehors des films avec Romy Schneider qui passaient chaque Noël et dont le romantisme échevelé avait tout du conte de fée. La petite fille que nous étions alors, aurait sans doute été consternée d’apprendre qu’Elizabeth d’Autriche était une femme accablée par une tâche impossible, des deuils à répétition, des injonctions patriarcales monstrueuses. Dans Corsage, nous découvrons Elizabeth à quarante ans, mère endeuillée, gravement anorexique et incapable de supporter les codes rigides de la cour impériale. Mais derrière la tragédie, Corsage est surtout le portrait magnifique et parfois lumineux d’une femme qui tente de s’échapper… et y parvient malgré tout, à sa manière.
A écouter
“Non merci pas d’enfant” - France Culture, La série documentaire
Dans cette nouvelle série de LSD, la journaliste Manon Prigent donne la parole à celles et ceux qui ont décidé de ne pas avoir d’enfants. Un sujet délicat et nécessaire même en 2023.
Passionnant, ce podcast a le mérite d’intégrer la question de l’enfantement et de la nulliparité dans une histoire longue et de remonter jusqu’au moyen-âge. Peur de l’apocalypse, intime conviction, doute, féminisme, chaque épisode aborde la question par un biais différent et exhaustif. A mettre entre toutes les oreilles…
A lire
“La Voix de Sita” - Cléa Chakraverty - Editions Globe
Il s’agit du 1er roman de Cléa Chakraverty, journaliste en charge des sujets politique et société pour The Conversation, qui nous plonge en Inde en 2022, où un jeune avocat décide de porter plainte contre le dieu Ram - l’une des divinités majeures de l’hindouisme et figure de l’homme parfait - pour dénoncer les violences subies par les femmes indiennes. Pour lui, ces violences s’enracinent dans la vision sexiste du texte fondateur de la religion hindoue. Disponible à partir du 12 janvier.
Textes : Camille Dumat, Léa Chamboncel, Clothilde Le Coz & Amandine Richaud-Crambes
Illustrations : Elodie Bourgeois