
Prends l'oseille
Toi aussi, tu veux des problèmes de riche
Ici, on parle d'argent simplement. L'argent qu'on gagne, l'argent qu'on met de côté, l'argent qu'on dépense, celui qu'on ne devrait pas dépenser, l'argent qu'on investit, l'argent qu'on doit, l'argent qu'on reçoit, l'argent qu'on partage.
Je m'appelle Héloïse Bolle, je suis la fondatrice d'Oseille et compagnie, une société de conseil en gestion de patrimoine qui ne distribue aucun produit. Depuis mars 2021, j'anime aussi des ateliers pour tout comprendre sur les finances personnelles.
Je suis l'autrice de plusieurs livres : Les bons comptes font les bons amants (Cherche midi éditeur, 2019), Démarrez en bourse (Le Particulier, co-écrit avec Marc Michaux 2020, réédition en 2021), et Aux thunes, citoyennes! co-écrit avec Insaff el Hassini paru aux éditions Alisio en 2023.
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Les problèmes de riche, ça n'arrive pas qu'aux autres. Et pourtant, ici tu ne trouveras pas de placement miracle, pas de livret à 10% sans risque, pas de millions qui tombent du ciel. Parce qu'un patrimoine, ça se construit, lentement, sûrement, mais aussi patiemment, Prends l'Oseille va t'aider à comprendre comment faire cohabiter tes euros avec tes besoins, tes valeurs, et même avec la marche du monde. (Ouais).
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Toi aussi, tu veux des problèmes de riche
26 février 2023#1/Parler d'argent, mais pourquoi faire? Et quelle idée?
Par Héloïse Bolle - Oseille & compagnie
Oui c'est vrai ça, ça sert à quoi de parler tout le temps d'argent?
Qu'on soit blindé ou fauché, parler d'argent, c'est indécent. Mais alors rentrer dans le début d'une explication sur son budget ou ses finances personnelles, c'est limite pornographique. Et raconter tes investissements, là, c’est encore plus trash qu’un cours d’anatomie.
Sauf que. Sauf que.

Un problème de riche : devoir vendre sa Rolls, comme Serge Gainsbourg, pour payer ses impôts. (Illustration Sabine Bouillet).
Comme toi, je préfèrerais vivre d'amour, d'eau fraîche, de nourritures spirituelles, et aussi qu'il y ait côte de boeuf gratuite pour tout le monde à la cantine (enfin, pour ceux qui veulent).
Mais en fait, même si j'aime l'amour, l'eau fraîche, et parler de tas de sujets qui n'ont rien à voir avec les finances personnelles, j'ai quand même besoin d'argent pour payer ma côte de boeuf ou mon chou kale. J'ai aussi besoin d'argent pour vivre décemment, payer mes factures, nourrir mes enfants. J'en ai besoin pour l'essentiel, et j'en ai même besoin pour m'offrir aussi un petit superflu de temps en temps. J’en ai besoin pour mener certains projets qui me tiennent à cœur.
J’en ai besoin, surtout, pour me dire que demain ne sera pas totalement incertain. Pour dormir tranquille, sans que ça devienne une source de stress. Je sais, à quoi bon, puisqu’on va tous mourir sous l’écrasant réchauffement de notre planète, les pandémies, le retour des monstres verts et le conflit mondial qui nous attendent. Mais au cas où on réchapperait à tout ça, l’incorrigible optimiste qui sommeille en moi se dit que ce sera plus facile avec un peu de maille. OK, je me trompe peut-être, mais j’aspire à prendre un jour ma retraite sans être obligée de remplir les sacs des clients du supermarché à 79 ans pour me payer à dîner. Et ce, alors que de façon tout à fait transparente, sur le chapitre des retraites, j’appartiens à une génération pas forcément mieux barrée que les autres (la X, pour ne pas la nommer).
Bref, pour vivre correctement, mais aussi pour voir l’avenir un peu sereinement, pour me donner l’illusion que je maîtrise au moins certains pans de ma vie, pour garder une part de mon pouvoir économique, j’ai besoin d’argent.
J’ai besoin d’en gagner, besoin d’en épargner, besoin d’en investir, besoin d’en donner parfois. Et pour ça, j’ai besoin de connaître mes gros postes de dépenses, mais aussi savoir ce que je finance quand je mets cet argent de côté sur des comptes épargne, quels qu’ils soient. J’ai surtout besoin de comprendre comment tous ces montants, petits ou gros, fonctionnent et s’articulent entre eux. Et tout ça, crois-moi, je ne l’ai pas inventé. Je l’ai appris au fil des années.
Seulement voilà, la gestion de l’argent, même si les esprits évoluent, c’est encore bien tabou.
Ça ne s’apprend plus à l’école.
Personne ne nous apprend plus à l’école à établir et à tenir un budget. Je ne vais pas te ressortir le couplet du c’était mieux avant, ce n’était pas mieux avant. Ma grand-mère, pendant ses cours d’économie domestique, a appris des choses utiles, comme la gestion d’un budget familial (disons entre 1932 et 1935, ou quelque chose comme ça). Elle a aussi appris à repasser un pantalon en cinq étapes et à tricoter un passe-montagne (ça peut aussi servir aussi, mais de son Tarn-et-Garonne elle se rendait assez peu aux sports d’hiver). En revanche, point de trace, dans ce cahier de leçons de choses quotidiennes qui nous a valu une bonne tranche de rigolade, de la façon dont on place ses économies. Evidemment, en 1932 ou 1935, les filles étaient assez peu impliquées dans ce sujet. Rien que pour ça, je ne vais pas dire, donc, que c’était mieux avant.
Ça ne s’apprend plus au collège et au lycée.
Le problème, c’est qu’aujourd’hui encore, en 2021, on n’apprend pas les rudiments de la finance aux enfants, ni aux adolescents, ni même aux étudiants. Les campagnes d’éducation financière dans les écoles et les lycées existent, des associations d’éducation financière existent, mais leur intervention repose sur une démarche pro-active de l’équipe enseignante. Quant à la façon d’investir et de faire grandir son patrimoine, c’est carrément hors-sujet. Faut-il le déplorer, je n’en sais rien, mais le résultat, c’est que 53% des Français s’imaginent aujourd’hui encore qu’on peut obtenir, sans aucun risque, un rendement annuel supérieur à 3%*. Et au cas où tu appartiendrais à ce groupe, laisse moi tout de suite briser tes rêves : en ce moment, ça n’existe pas.

Alerte rouge : cette photo est totalement mensongère. Il ne pleut jamais des billets sur ta tête. (Photo Frédérique Toulet).
Ça ne s’apprend pas davantage pendant les études supérieures. Même si tu te formes au business ou à la finance, on t’apprend les rouages de la grande finance, mais jamais à négocier ton salaire, à comprendre ta valeur marchande, et à envisager tes besoins financiers. Alors à placer tes économies…
Et voilà : on est lâchés dans le grand bain, on commence à travailler, à gagner sa vie, on ne sait ni gérer les entrées (négocier son salaire, ha ha ha, la blague) ni évaluer les sorties (que celui ou celle qui n’a jamais été pris de vertige à l’arrivée de son deuxième avis d’imposition me jette la première calculette à la figure).
L’argent ne s’apprend pas, et plus tard, on n’en parle pas. Avec de jolis effets collatéraux.
Parce qu’on ne parle pas d’argent,
on a des écarts de salaire hallucinants, au sein d’une même boite, entre deux personnes qui produisent sensiblement le même travail (je ne parle même pas des inégalités dues au genre, qui méritent douze newsletters à elles toutes seules). J’ai entendu plusieurs fois autour de mois des histoires de managers qui, par mégarde, faisaient passer par mail à quelqu’un qui n’était pas destinataire un tableau avec tous les membres de l’équipe et leurs salaires. A chaque fois, ça se termine de la même façon : celui qui reçoit le mail par accident, alors qu’il n’a rien demandé, reçoit dans la foulée un rappel à la loi qui explique que la divulgation de ces informations est passible de sanctions pénales. (La petite menace l’air de rien, ça fait toujours plaisir). Il suffirait, au sein des boîtes, d’un peu plus de transparence entre les membres des équipes pour que ça change. Mais ça, pour le moment, beaucoup de gens ne l’ont pas encore compris.
Parce qu’on ne parle pas d’argent,
on voit des free-lance, jeunes ou moins jeunes, qui n’ont jamais appris à construire leurs tarifs et qui se bradent sur des plateformes en entretenant l’idée que leur travail (et celui de leurs homologues) ne vaut rien, ou presque.
Un graphiste à 200 euros la journée, ce n’est pas cher, c’est de la charité. Pour celui qui achète la prestation, c’est un cadeau (et il ne le sait même pas). Pour celui qui vend sa prestation, c’est de la mise en péril financier. S’ils recevaient deux heures de formation pour comprendre tous les frais professionnels, cotisations sociales, impôts qu’ils vont devoir acquitter, ils considèreraient à deux fois leurs tarifs et comprendraient qu’ils travaillent en réalité, une fois tous ces frais déduits, à des tarifs inférieurs à ceux du salaire minimum. Mais ça, ça supposerait qu’on le leur explique, si possible pendant leurs années d’études, ou au moment où ils se lancent dans une activité indépendante. Ça supposerait, une fois de plus, qu’on parle d’argent beaucoup plus souvent, et de façon beaucoup plus décomplexée.
Parce qu’on ne parle pas d’argent,
on voit des enfants qui s’imaginent qu’une carte bleue est un instrument magique et illimité.
Parce qu’on ne parle pas d’argent,
on voit des actifs qui ont bac +12, un salaire de ministre, et qui ne savent pas tenir un budget alors qu’ils sont ultra-exigeants sur les finances de la boîte pour laquelle ils bossent.
Parce qu’on ne parle pas d’argent,
on voit des couples se déchirer à la fin de leur histoire parce que chacun de son côté s’est imaginé que c’était moitié-moitié, alors qu’en fait c’est chacun pour soi et le banquier reconnaîtra les siens. On voit aussi des couples se séparer de façon assez moche parce qu’ils pensaient tout séparer, et se rendent compte qu’ils doivent tout partager, bref, c’est moche.
Parce qu’on ne parle pas d’argent,
On voit des dizaines de personnes, souvent diplômées, se faire barboter 40000 euros en moyenne par des escrocs de mieux en mieux rodés.
Parce qu’on ne parle pas d’argent,
on voit des actifs qui croient aux miracles, mais qui ne savent pas épargner de façon rationnelle, qui ont des attentes démesurées pour leurs économies, ou qui, au contraire, ont tellement peur de faire des erreurs qu’ils restent figés comme des statues.
C’est pour accompagner ceux qui ont besoin d'avoir un peu ou beaucoup plus d'argent, et donc de parler d’argent, que j’ai créé Oseille & compagnie en 2018. C’est pour ça que j’accompagne mes clients. C’est pour ça que je lance cette newsletter. Parce que, même si on préférerait tous penser à autre chose, l’argent, ça compte.
Parce que si on gratte, il y a souvent de belles (ou moins belles) aventures humaines dans nos billets de banque, sur nos comptes d’épargne, et même dans les dettes abyssales qu’on est capables de contracter, je veux continuer à parler d’argent, souvent, et sans complexes. Je veux entendre tes histoires si tu as envie de les raconter. Bien sûr, cette newsletter a vocation à évoluer dans le temps, et tes remarques, envies et suggestions sont les bienvenues. Il te suffit de répondre à ce mail.
*(Ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’Autorité des marchés financiers).

L'école, cet endroit où on apprend plein de trucs, mais pas du tout du tout à comprendre les rudiments des finances personnelles. (Photo HB).
Heureusement, j’ai pas eu le temps…
-de me renseigner sur les modalités de vente aux enchères du diamant découvert au Botswana ces derniers jours, 1098 carats (ça tombe bien, je n’en ai pas non plus trop les moyens).
-de lire dans le détail la totalité du volet financier de la mise sous tutelle de Britney Spears, mais j’ai vraiment beaucoup aimé le geste commercial de son avocat, qui a réduit sa facture pour les derniers mois de 154 800 dollars à 153 782,50 dollars. Soit une ristourne de 0,65%, bel effort.
-de lire le rapport Blanchard-Tirole. Mais ils ne sont pas les seuls à pointer le rôle de l’héritage dans la perpétuation et même l'aggravation des inégalités. On va voir, hein. Mais il ne serait pas étonnant de voir une refonte des droits de succession dans les prochaines années. (Spoiler : ça devrait rester gentil pour les petits patrimoines, et un peu moins pour les plus gros).
J'ai encore quelques petits trucs à te demander
D'abord, des excuses si comme moi, tu as reçu le week-end dernier un message envoyé automatiquement pour dire que j'avais ajouté un article sur le site d'Oseille & compagnie. Normalement, l'option est désactivée et ça ne devrait plus arriver. Mais si ça arrive de nouveau, écris-moi pour protester.
Ensuite, un peu d'indulgence, c'est ma première fois avec une newsletter.
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J’ai envoyé cette première newsletter un mardi. Ça m’intéresse au plus haut point de savoir quand tu préfères recevoir les suivantes.
-mardi matin, ne change rien
-jeudi midi, c’est raviolis (pardon, j’ai pas pu m’en empêcher)
-vendredi soir, espoir
-samedi matin, pas chagrin.
(réponds au mail pour me dire).
Et salut sinon!
