Filmer à l’iPhone plutôt qu’avec une caméra professionnelle est une pratique qui fait son chemin dans les télévisions, et même au cinéma. Mais les rédactions des chaînes françaises qui ont franchi le pas se comptent sur les doigts d’une main. Et sur ces doigts, on trouve surtout les déclinaisons régionales de BFMTV. Elles sont désormais quatre : après Paris, née en 2016, Lyon, en septembre 2019, BFM Grand Lille et BFM Grand Littoral ont vu le jour en février 2020. Les journalistes tournent leurs reportages à l’iPhone et les présentateurs des journaux, eux aussi, sont à la pointe de l’innovation puisqu’ils lancent les éléments de leurs conducteurs tous seuls. Sans soutien technique en régie.
Philippe Antoine, directeur des rédactions de BFM Régions, détaille les avantages de ces nouvelles pratiques, mais aussi leurs limites. Il nous raconte aussi les objectifs du groupe Altice de constituer des rédactions régionales et les prochaines étapes de son expansion.
Pour aller plus loin
L’essentiel de l’épisode
L’homme orchestre sur le plateau des journaux
03:09 : A BFM Paris, on est sur un dispositif technique relativement classique pour la présentation des journaux. En régie, on a trois techniciens. A BFM Grand Lille, il n’y a personne en régie. Le journaliste est aidé par un journaliste éditeur. Il récupère tous les reportages, les sons, les off, les infographies et en fonction de la hiérarchie de son journal, il place tout dans une playlist et, à l’antenne, il envoie directement cette playlist. On le fait déjà à Lyon de cette manière.
04:38 : C’est Alain Weill, en visitant Grand Lille TV et en voyant ce studio qui permet de tout faire avec un seul homme, qui s’est demandé : pourquoi on n'adapterait pas cette idée ? Aujourd’hui on utilise ce système de présentation, mais on va l’améliorer. On est en train de construire un nouveau studio à Lille pour que ce soit mieux border techniquement, avec le système Opus.
Le Mojo sur le terrain
06:18 : Les reporters sont souvent seuls sur le terrain et ils utilisent le mojo : ils tournent, montent et mettent leur voix sur leurs sujets seuls. Evidemment, ça dépend des conditions de sécurité et de tournage. Il y a des moments où on ne peut pas être seul. Le but n’est pas d’être seul pour être seul.
07:25 : C’est d’abord RMC qui est passée au Mojo et BFM Paris a profité de l’expérience de RMC qui est passé d’une radio classique à une radio bimédia. Ce modèle est maintenant répliqué ailleurs en région. On a beaucoup travaillé les kits mojo. Le journaliste part avec un smartphone, un micro, une coque, un pied, un éclairage. C’est un matériel excellent dans des conditions de tournage lumineuses. C’est même bluffant. Parfois, et je vais peut-être choquer les JRI, c’est parfois meilleur que la caméra quand il y a une belle lumière.
Les limites du Mojo
08:50 : Mais ça n’est pas le cas dans des tournages enfermés ou sombres. Après on a la chance d’avoir un grand groupe et on peut aller emprunter une caméra à côté. Ça n’est pas un dogme, le Mojo : on s’adapte aux conditions de tournage.
09:19 : la chaleur ou la froideur est une autre limite de tournage au smartphone. Avec la canicule, c’est compliqué de tourner et d’envoyer.
Le Mojo complémentaire du tournage classique
10:00 : Pour moi, le low cost, c’est faire avec moins de moyens. Evidemment qu’il y a une part budgétaire, mais avant tout, le pari c’était de dire : est-ce qu’on peut faire du journalisme télé d’info en continu avec des moyens différents. On a adapté le matériel pour faire cette télé différemment. Au départ, toutes les réactions ont été les mêmes : on ne va pas tourner avec un téléphone portable ! Aujourd’hui à BFMTV on utilise de plus en plus le smartphone. France 3 se met au smartphone. Si c’était une mauvaise idée, tout le monde ne se mettrait pas à l’utiliser.
11:37 : pour moi c’est un complément. On se rend compte dans les tournages que le smartphone est devenue tellement commun que ça permet aussi d’être moins intrusif, d’être moins impressionnant. ça change dans le rapport avec les personnes. Et puis aussi, autre avantage : le smartphone, on l’a dans la poche. C’est plus pratique, plus immédiat, plus spontané et c’est aussi comme ça qu’on fait de la télé.
12:45 : on peut faire du direct partout à n’importe quel moment. ça aussi ça change beaucoup quand on veut faire de la télé d’information en continu de proximité.
13:22 : ça permet de faire des duplex au plus près des gens. C’est ce qu’on a fait pendant les grèves. On a raconté la grève non pas devant une station de métro où on avait interviewé des gens avant, mais au sein de la rame, véritablement auprès des gens. Et ça permet de montrer vraiment comment ça se passe. Ça c’est possible avec le smartphone. Ce serait possible avec la caméra mais ce serait plus compliqué, plus intrusif. Une caméra dans le quotidien des gens à 7h15, ce n’est pas forcément bienvenu.
La formation aux nouvelles techniques de tournage
15:51 : Heureusement les écoles ont compris qu’il fallait former les jeunes à ce type de format et au tournage sur smartphone. Au moins les sensibiliser. Toute les écoles forment leurs étudiants au mojo. Aujourd’hui un journaliste qui sort d’une école est formé. En plus, c’est une génération qui va très vite sur les outils technologiques. En quelques jours, il est possible de bien savoir se servir d’un smartphone. Après, c’est juste la technique. Et le journalisme n’est pas que de la technique.
Les formats du Mojo
17:54 : Le smartphone a été intégré dans les achats de matériel pour toutes les rédactions du groupe. Et je dirais même que dans la façon de se filmer, à BFM Paris, on a des formats comme Paris découverte. La journaliste se filme avec une perchette dans des lieux culturels et elle arrive à nous montrer des endroits et converser avec le guide. C’est une façon d’écrire le reportage de manière très différente. Cette façon de tourner, on sent qu’elle intéresse d’autres rédaction. A BMFTV, ce sont des formats qui commencent à émerger.
20:12 : Avec un matériel différent, on crée aussi des manières différentes de filmer. ça a donc un autre avantage que le coût dont on parlait tout à l’heure.
Les résistances à l’introduction des nouvelles technologies
22:22 : Il y a eu des résistances. Comme toute nouveauté, elle inquiète. Aujourd’hui je ne pense plus. A partir du moment où quelque chose est efficace et on voit ce que ça peut apporter, il suffit de constater que c’est un vrai outil. Encore une fois, ça ne remplace pas la caméra, c’est complémentaire.
Les concurrents de BFM Régions
24:11 : Notre concurrent en région ? France 3 qui est l’institution historique d’information locale. Mais c’est à la fois un concurrent et on ne fait pas tout à fait la même chose, même si ça se rapproche. Ça bouge vite parce que le service public gagne en rapidité et en efficacité. Cela montre que c’est devenu un concurrent au moment des tranches d’information incarnée en direct. Le développement de BFM en régions a fait que France 3 a accéléré sa mutation pour rerégionaliser son information et faire des matinales télé-radio. Beaucoup de codes sont repris de chez nous et c’est normal de s’inspirer mutuellement.
26:33 : Notre arrivée vient forcément bouleverser le PAF local. Un journal de presse écrite voit arriver un JT avec le nom BFM, forcément ça pose question. Il y a deux manières de l’aborder : soit on considère que c’est bien qu’il y ait un nouvel acteur, il faut bouger vite. L’autre réaction c’est de dire : blackout, politique de l’autruche, boycott.
La publicité locale
27:50 : Notre modèle de base est un financement par la publicité. Mais il ya aussi des contrats comm avec des institutions locales. Notre principal atout c’est de dire qu’on est indépendants et qu’on fait notre métier de journaliste sans tenir compte des couleurs politiques. Je dis ça parce que quand il y a un financement d’une institution, on peut penser qu'ils sont achetés. Non, on ne l’est pas. Ce serait catastrophique pour notre crédibilité.
29:56 : Les publicitaires nationaux peuvent être intéressés pour des messages ciblés localement et il y a aussi les annonceurs locaux bien sûr.
Le développement de BFM Régions
30:47 : L’objectif c’est de se développer. Le calendrier n’est pas encore public. Le Sud-Ouest arrivera probablement dans les prochains objectifs. L’idée, c’est de se développer pour avoir un maillage conséquent. A Lyon, nous sommes 18, Lille, on sera une vingtaine à terme.
32:08 : notre audience est plus jeune que celles de la télé généraliste. A Lyon, on a 6 mois d’existence, on est la 6è chaîne, la preuve qu’il y a un intérêt pour ce type d’information. Localement, c’est à peu près le même profil que les gens qui regardent les chaînes d’info en continu. On a une forte proportion de jeunes téléspectateurs, qui nous regardent sur la TNT, les box ou bien sûr sur les applications mobiles.
Crédits
Réalisateur.rice.s : Elise Colette et Jean-Baptiste Diebold
Réalisation et post-production : Raphaël Bellon
Design graphique : Benjamin Laible
Communication : Laurie Lejeune
Générique et habillage sonore : Boris Laible
Production : Ginkio