Des data en stories... pour parler politique ! Le défi était de taille, tant l’univers glamour d’Instagram ou de Snapchat semble éloigné du monde austère des bases de données et de l’Assemblée nationale. Pas de quoi effrayer Karen Bastien et l’équipe de WeDoData, au contraire. Le pari est plus que réussi. La série “A Data sur la politique” réalisée pour LesJours.fr décrypte la politique française avec un format de stories hors d’Instagram. Le dossier a même été finaliste des Online Journalism Awards aux Etats-Unis.
À partir d’une méga base de données maison constituée depuis le début du mandat d’Emmanuel Macron en aspirant les tweets des responsables politiques, les agendas ministériels, l’ensemble des débats parlementaires, WeDoData a réussi à réaliser de nombreuses enquêtes inédites. Par exemple en déterminant le taux d’ “en-marchitude” des députés de l’opposition, c’est-à-dire leur proximité relative avec la majorité.
L’utilisation de données, nouvelle frontière de l’information ? Les médias anglo-saxons sont en avance et ils accélèrent depuis qu’ils ont constaté que les enquêtes de datajournalisme dopent les abonnements. En France, la jeune génération francophone apprend ce nouveau langage et cette nouvelle culture fait son chemin.
Pour aller plus loin
“A data sur la politique” sur « Les Jours » : un épisode gratuit, le premier
Article de blog “A data sur la politique”, finaliste des Online Journalism Awards
Le best-of de WeDoData en 2019
La morale de l’histoire sur Arte
L’essentiel de l’épisode
Créer un format de stories directement dans le média (pas dans Insta)
[00:03:14] “Je ne peux pas demander de l'abonnement si je renvoie en permanence, parce que le format est génial, ailleurs que sur mon site. Donc on s'est dit comment faire des stories mais sur directement sur le media.”
[00:03:35] “On s'est dit on va inventer un outil qui nous permet de faire des stories directement sur le site et nourris de data.”
[00:03:58] “Le défi était également un défi d'écriture. Comment je peux écrire une enquête de datajournalisme sur un format finalement très simple mais qui demande une écriture presque télégraphique mais précise ? Donc il y a eu un travail de format et d'écriture pour arriver à mettre des data compréhensibles avec des graphiques sur un mobile et en touch.”
Une écriture pédagogique qui fonctionne auprès des lecteurs
[00:08:40] “En fait on s'est rendu compte de la force de la pédagogie qu'offrait finalement une écriture très “slidée” qui peut paraître peut être un peu sèche mais finalement qui prend le lecteur par la main, pas à pas, slide par slide : je te raconte et je te décompose un d’”en-marchitude” par exemple.
[00:10:05] “Ce que nous ont dit LesJours.fr, c'est que ça avait participé - notamment parce que ce premier épisode est toujours en libre accès - au passage au payant grâce à cet épisode gratuit, cela veut dire que ça pousse à l'abonnement, c’est quand même cool.”
[00:10:35] “A la différence d’une story classique qui fait 3 à 5 slides, nous on fait des stories de 50 slides. Est ce que quelqu'un est capable de lire une enquête de data journalism en stories avec des indicateurs complexes sur 50 slides ? Eh bien les gens vont au bout ! Voilà pour nous ça c'est des indicateurs importants parce que voilà on les emmène pas à pas et à limite on a entendu des gens qui disent Je ne me suis pas rendu compte qu'il y avait 50 slides. Donc ça c'est positif aussi.”
La méga base de données politique de WeDoData
[00:11:15] “Cette base de données politique c'est un petit peu un petit dada qui nous a pris au début du mandat d'Emmanuel Macron. L'idée n'est pas de focaliser sur lui mais plutôt de tirer le bilan. Moi je bosse depuis 20 ans et j'en ai marre d'avoir cette rage et cet énervement personnel à la fin d'un mandat en me disant : ah mais on ne peut pas raconter ce bilan parce que les données n'existent plus...”
[00:11:55] “Pour ne plus avoir cette frustration au début du mandat d'Emmanuel Macron on a listé tout un tas d'indicateurs qu'on souhaitait avoir et avoir sur les cinq années de ce mandat et donc depuis le premier jour nous aspirons grâce à différentes technologies tout un tas de choses: les tweets du gouvernement c'est le gouvernement, le Premier ministre, le Président mais également tous les députés et tous les sénateurs ; leurs agendas ; toute l'activité parlementaire qui est en Open Data.”
[00:12:38] “C'est une immense base qu'on a appelé Screengov et qui nous permet d'être très réactifs quand on s'interroge sur un sujet politique, soit de sémantique, de données, de commission parlementaire...”
Le datajournalisme se diffuse dans les médias français
[00:18:52] “Là aujourd'hui le datajournalisme s'est installé dans toutes les rédactions. Aujourd'hui il y a des datajournalistes - un ou beaucoup en fonction des rédactions - mais tout le monde a cette compétence en interne. Le datajournalisme continue de participer beaucoup aux enquêtes sur le fact-checking et les fake news parce que la data permet de contrebalancer et d'apporter des faits, des chiffres face à des informations non vérifiées.”
[00:19:24] “Plus profondément, c'est ce que j'espère dans l'avenir, cette nouvelle sensibilité des journalistes à la data va leur apporter une nouvelle culture.”
[00:24:10] “Il y a plusieurs études aujourd'hui qui ont été faites et qui montrent effectivement ce lien entre datajournalisme et abonnement. En tout cas, c'est un levier d'abonnements hyper fort donc ça ne peut être qu’encourageant pour les rédactions effectivement et donc du coup ils ont eu plus de moyens, plus de journalistes et donc forcément ils ont fait de plus en plus de choses.”
[00:24:40] “Quand je parlais tout à l'heure d'une culture de la data qui doit se diffuser, c'est plutôt de se dire dans ce journal, il y a plein de gens avec pleins de compétences, qui sont super bons en justice, police, santé, écologie etc. Parfois ils n'ont pas la compétence data mais il y a de la data dans leurs enquêtes et là ils vont s'associer avec le pôle data pour construire une enquête.”
[00:25:04] “Je pense que là ça sera vraiment plus fort quand on ne verra pas la data juste comme un pôle à part qui fait des trucs avec des chiffres… mais plutôt cette compétence qui va nourrir des enquêtes un peu partout dans les rédactions, ça ne doit pas rester un truc à part. Je ne crois pas.
Crédits
Réalisateur.rice.s : Elise Colette et Jean-Baptiste Diebold
Réalisation et post-production : Raphaël Bellon
Design graphique : Benjamin Laible
Communication : Laurie Lejeune
Générique et habillage sonore : Boris Laible
Production : Ginkio