#30

Sarah Lefevre

Ouvrir au plus grand nombre la création sonore

19/03/2020

Transmission c’est d’abord une école libre de radio et du son. A l’origine de ce projet associatif, Charlie Dupiot, Ziad Maalouf, Pierre Chaffanjon, Thibaud Delavigne et Sarah Lefèvre.  Cette dernière raconte comment est née leur envie de repenser la radio, devenue aujourd’hui essentiellement un canal où “des gens parlent dans un micro”. 

Objectif : redonner de l’espace à la création sonore, au moment où celle-ci devient accessible à tous ou presque grâce aux outils numériques. L'école Transmission  est gratuite, ouverte à tous les profils. Elle forme durant 6 mois, à raison d’une demi-journée par semaine, aussi bien à la prise de son, au montage, au mixage qu’à l’écriture de récit. En deux promos, l’école a remporté deux prix au festival Longueurs d’ondes de la radio et de l’écoute à Brest.

Prochaine étape, l’ouverture d’un lieu, la Cassette, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). Ce projet, en cours de financement participatif, doit ouvrir au second semestre 2020. Sur 100 mètres carrés, il proposera un espace de production, de création, d’écoute et d’éducation aux médias. Cet ancrage en Seine-Saint-Denis doit permettre d’ouvrir la création radiophonique au-delà de l’audience et de la création de podcasts, encore très CSP+.

Pour aller plus loin

https://www.trsm.io/

https://soundcloud.com/radio_narration_partage/

https://podcast.ausha.co/transmission/tout-de-suite-les-grands-mots

https://podcast.ausha.co/legitime-violence/legitime-violence-l-integrale

La campagne de financement participatif de la Cassette : https://fr.ulule.com/la-cassette/

L’essentiel de l’épisode

Transmission, le projet et l’école

[00:04:36]
Aujourd'hui, la radio, c'est des gens qui parlent dans des micros. C'est beaucoup de talks. Nous, on a envie avec d'autres gens de repenser un peu ça. Quand on a eu vent de cette idée, on s'est dit : nous aussi, on a envie de rejoindre ce collectif-là, de penser avec vous la création sonore de façon beaucoup plus collective.

[00:06:53]
On s'est dit : on veut créer cet espace de création un peu plus ouvert, même si avec nos moyens, bénévoles, ouverts, c'est-à-dire libres dans la création qu'on a envie de mener, et gratuit, c'est-à-dire accessible à toutes et tous, sans condition de diplôme, d'âge, etc. Le problème, c'est que c'est spatial cette affaire puisqu'on est tous basés sur Paris. Donc, on peut avoir envie d'intégrer Transmission à Marseille, mais ça va coûter un peu plus cher en train. Cela reste les limites humaines du projet.

[00:11:56.540]
En revanche, on a très envie de faire venir au maximum de gens, c'est hyper ouvert. Pour le moment, c'est très blanc, c'est très féminin, un peu à l'image du podcast aujourd'hui. On aimerait beaucoup que des gens qui, au départ, ne se voyaient pas forcément devenir auteur ou autrice nous retrouvent. On aimerait s'entourer aussi davantage de réalisateurs, de gens qui aiment vraiment bidouiller le son, de techniciens du son.

Podcast ou radio, ou... ?

[00:16:43]
On s'est dit : on va aller créer ces espaces sur les ondes libres que peuvent être les ondes numériques. Tout le monde appelle ça le podcast. Nous on n'est pas hyper fans de ce terme, aussi bien à Transmission qu'avec les copains avec qui on a fondé le label Convergence et donc ce premier documentaire “Légitime violence”, parce que “podcast”, c'est Apple, c’est un mot un peu imposé par l’industrie.

[00:17:18]
Disons que c'est une sorte d'étiquette aussi que pose un peu chacun comme il veut. On ne veut pas imposer de mots aux gens. On fait du son, on fait de la création sonore, on fait de l'audio. Moi audio je trouve que ça fait un peu matériel Hi-Fi, espace chez Darty, c'est pour ça que je n'aime pas trop ce terme. On fait du documentaire, on fait des petits objets, on fait des pièces, on fait des oeuvres, on fait ce qu'on veut, en fait. Là aussi, on est libre dans la façon chacun d'appeler ça comme on l'entend. Si ça va aux gens de dire podcast, eh bien disons podcast et c'est comme ça.

[00:18:17]
En fait, on a tendance à confondre le moyen de diffusion - qui est ou le podcast ou les ondes hertziennes pour la radio - et le format. Le podcast dans la bouche des gens, c'est aussi devenu un format. J'en parlais avec des amis et ils me disent tous : pour moi, en podcast, c’est un truc à la première personne qui raconte l'intimité. Non, en fait un podcast c’est un objet sonore en ligne sur les ondes numériques.

[00:19:44]
Je pense que cet usage, il est fort dans cette explosion dont les gens parlent. Certes, il y a plusieurs millions d'auditeurs, il y a de plus en plus de gens qui découvrent le podcast, mais ce n'est pas non plus la révolution des ondes numériques. Calmons nous ! Moi, je trouve que c'est toujours un peu les mêmes milieux sociaux qui écoute le podcast.

[00:20:36]
Aujourd'hui, on se rend compte que le podcast c'est beaucoup se réapproprier des histoires, cet espace de l'intime, de l'entretien et finalement, cette pause aussi dans le temps, un moment assez suspendu.

[00:22:47]
C’est quand même pas le truc le plus rentable qui existe. En fait aujourd'hui dans le monde du podcast, il y a le podcast dit industriel, c'est-à-dire des éditeurs, des agrégateurs privés et des diffuseurs, je pense à Spotify, Deezer, à Apple qui veut aussi s'y mettre, mais aussi des aux studios de podcasts comme Binge Audio, comme Nouvelles Écoutes, qui font entrer des capitaux privés, qui vivent de la pub, etc. Eux commencent à avoir des moyens parce qu’en fait, ils s'adaptent à un système en ligne de publicité, de flux, etc. Et voilà, c'est ça ce qu'on appelle aujourd'hui l'eldorado du podcast. Donc, il y a des gens qui en vivent bien, mais en fait il n'y en a pas tant que ça. Et en fait, les gens qui veulent créer sur du temps long, comme moi, comme plein d'autres, je pense aussi aux Sons fédérés, qui est un nouveau collectif et peut-être bientôt un nouveau syndicat regroupant 200 auteur·e·s, nous les artisans du sons, nous réfléchissons à comment faire son travail correctement. Et tous à côté nous faisons d’autres métiers.

Pourquoi un lieu ?

[00:25:12]
Un lieu, ça permet d'ouvrir ce collectif mais surtout cet espace de transmission à d'autres qu’à cette seule promo qui dure 6 mois, d'une vingtaine d'élèves. L'idée, c'est de concevoir ce lieu comme un espace d'échanges, de rencontres, d'écoute. On aimerait organiser des soirées pour les lancements de créations de podcasts de certains, certaines. On aimerait inviter des gens de l'extérieur pour parler de leurs projets. On a envie d'ouvrir surtout aux territoires, avec cette idée de faire des ateliers d'éducation aux médias aussi bien dans les établissements scolaires que dans d'autres structures. Ça peut être aussi aller faire des ateliers avec des personnes âgées dans un EHPAD, ça peut être rencontrer les acteurs culturels et proposer des résidences à des auteurs aussi de la Seine-Saint-Denis ou de la région parisienne, ou à d'autres en France.

[00:28:39]
A l’occasion de cette campagne de financement, on reçoit des messages. Cela nous donne envie d'aller faire des petits ailleurs. Dans ce collectif, on est aujourd'hui une vingtaine avec les anciens élèves qui nous ont rejoints, on est tous déjà en train de se dire qu'un peu, au fur et à mesure, on va sans doute déménager, aller à la campagne, suivre cet exode urbain qui commence petit à petit. Et rien n'empêche à ce qu'on s'exporte un peu aussi.

[00:30:07]
Quand on parle d'explosion du podcast, c'est l'explosion de l'offre parce que on a de plus en plus accès à une diffusion comme les plus grands. Et c'est ça qui est joli dans ce qui se passe aujourd'hui, c'est que la radio, l'audio en tout cas, se démocratise. Et nous, ce sont ces énergies-là qu'on a envie d'accompagner. On n'est pas non plus là pour faire que de l'info, on a aussi envie de créer. On a envie de s'amuser. On a envie d'être un peu fous et ce monde mérite ça. Et il mérite d'entendre en tout cas ces voix-là. C'est ça l'utilité publique dont on parle, c'est d'accompagner ces nouvelles personnes qui ont envie de prendre la parole.

Crédits

Réalisateur.rice.s : Elise Colette et Jean-Baptiste Diebold

Réalisation et post-production : Raphaël Bellon

Design graphique : Benjamin Laible

Communication : Laurie Lejeune

Générique et habillage sonore : Boris Laible

Production : Ginkio